• Mes souvenirs d'enfance

    Je suis né à Ngweshe territoire de Walungu, sud-Kivu, RD Congo, le 10 mars 1959. Nous arrivons à Bukavu en 1961, je n’ai rien vécu de tout ça. Ma conscience commence à s’éveiller entre 1963 et 1964, j’ai des souvenirs encore vagues mais je me souviens que nous habitions Bukavu, à NYAMUGO, près du grand marché de Kadutu dans une maison en étage de fond d’avance de l’Office National de Logement (ONL). Je ne connais pas exactement les raison de notre déguerpissement dans cette maison, je me souviens seulement que j’avais eu, pour ma part, à transporter un fer à braise à repasser jusqu’au quartier Essence au dessus de chez KIBONGE. Il existait un raccourci avant d’arriver chez BUSINGIZI. Ce raccourci allait jusqu’au quartier IGOKI. Le quartier populaire de l’ESSENCE tel que connu aujourd’hui, à la bifurcation route NGWESHE et route UVIRA n’était occupé que par une bananeraie. La très profonde fossé due aux pluies et érosions appelées « Mugezi » au dessus de chez KIBONGE ne s’y était pas encore formée. Tout le quartier BUHOLO 4 et 5 été boisé aux Eucalyptus. La rivière GAUWA sépare BUHOLO et mon nouveau quartier. Nous allions souvent nager dans la GAUWA en amont. Des sources d’eau potables y existaient et c’est là que provenait notre eau de boisson. Notre maison était en terre battue avec une toiture en tôle de tonneaux découpés. C’est le style de construction de l’époque. On peut aujourd’hui encore retrouver ce style sur certaines maisons dans le quartier NYAMUGO lorsqu’on se tient à Major WANGU avec un regard orienté vers Nyamugo. Devant notre maison existait un passage vers IGOKI et nos voisins directs étaient Léonard au dessus et Baba Janvier en face. La femme de baba Janvier s’appelait Isabelle. Janvier était de mon âge et compagnon de tous les jours. Sa petite sœur s’appellais Honorat. C’est là que la rébellion muleliste nous a trouvé. C’était dans l’avant midi, mon grand frère ainé DIEUDONNE s’amusait à faire l’enseignement aux petits amis, il les fouettait à la manière de la vieille époque (il est finalement resté enseignant voici plus de 25 ans). Nous entendîmes subitement et continuellement un retentissement des nombreux coups des balles dans toutes les directions de notre emplacement. Nous nous réfugiâmes à l’intérieur de la maison sous le lit dans la chambre de nos grandes sœurs. Feu maman et mes 2 grandes sœurs se trouvaient au marché de KADUTU. Papa était à la Bralima. Une des balles des rebelles qui avaient choisi de se tenir devant notre domicile avait perforé les tôles de notre maison et s’était retrouvé plus tard dans la chambre de maman que nous avions eu la chance de ne pas occuper. Quelques temps plus tard nous entendions les pas des rebelles derrière la maison, ils s’éloignèrent en criant « May Mulele ». Ils se dirigèrent du coté BUHOLO traversant la rivière GAUWA. C’est dans la même direction que nous entendions quelques temps après des bombardements par avion. Pendant ce temps, chaque personne qui quittait une maison pour une autre devrait se munir d’un drapelet en tissu ou en feuillage et courir en criant « May Mulele » dans le cas contraire, il recevait un coup de balle des rebelles ; contrairement, quiconque courait avec un tel drapelet était assimilé aux rebelles et par conséquent tué par le militaires loyalistes. Je ne saurais pas me souvenir de combien de temps cela avait pris, mais je me rappelle du moment de retour de ma mère et de mes 2 grandes sœurs qui nous racontèrent de nombreux cadavres qu’elles auraient dépassées sur leur chemin de retour au niveau de chez KIBONGE et à NYAMUGO. Une opération de ratissage des rebelles s’était poursuivie pendant quelques jours et toute personne soupçonnée était portée à des destinations inconnues. Je me souviens avoir vu des personnes attrappées et trasportées dans de jeeps recevant des coups de cross sur la bifurcation KADUTU-NYAMUGO chez KIBONGE. Mes souvenirs me propulsent au temps où je poursuivais discrètement ma mère, chaque fois qu’elle devrait se rendre au marché. En arrivant au marché, à sa grande surprise elle me trouvait à ses cotés. Un de ces jours, comme j’en avais déjà pris l’habitude, malgré tout ce qui était utilisé comme moyen de m’en empêcher j’allais me faire écraser par une voiture. Et un autre jour, c’est avec mon grand frère Déo que je me retrouve sur la route de Nyamugo. Je copiais tous ce qu’il faisait, il avait un jour feint de traverser la route, j’avais suivi son mouvement, je ne sais pas exactement comment les choses s’étaient passées mais je me retrouvais devant une voiture laquelle, semble-il le conducteur s’était fortement déployé afin de ne pas m’écraser. Ce chauffeur alla me déposer au commissariat de la police à Kadutu. Je ne sais pas comment mes parents furent retrouvés, ils payèrent une amende pour ma libération. Je crois que c’est la raison qui avait motivé mon déplacement, à l’âge de 5 ans jusqu’à KINIEZIRE (territoire de Kalehe, sud –Kivu), km 118 route BUKAVU-GOMA où vivait mon oncle paternel Mr Eric MATEMBERA. C’est là que je débutais mes études primaires dans une école dénommée « Ecole primaire catholique Fondation Marcel Costier Kiniezire » Chez mon oncle, je vivais avec et partageais le même lit avec son fils de mon âge Mr Apollinaire MATEMBERA connu sous le sobriquet de Poly. Il vit depuis 19 ans à Londres. Avec Poly, on revenait un jour de l’école, chez Mr Costier se trouvait un chien très méchant. C’était notre chemin obligé pour atteindre la maison située près de l’endroit où accostait le bateau. On ne pouvait pas se rassurer si le chien était libre ou ligoté. C’est moi qui fus alors victime de morsure de ce chien. La cicatrice existe jusqu’aujourd’hui comme pour me rappeler toujours de cet événement. Au cours des grandes vacances de juillet, après ma brillante réussite en 2e année, on décidait de ramener à Bukavu pour les vacances. C’est là que, une fois encore, la guerre de Jean SCRAM de 1967 venait me surprendre. Je retrouvai 2 ans après, la même maison et avec le même confort. Une partie de la maison était occupée par ma mère, une autre partie par ma marâtre connue au nom de maman Godé Mwa BILORHO. La guerre de SCRAM durera quant à elle plusieurs mois. C’est d’ailleurs suite à cette guerre que ma mère quitta définitivement Bukavu. Le parcours n’avait pas été facile car plein de risques et des surprises. Nous partions de notre maison à Bukavu aux petites heures matinales quand les coups de balles et des bombardements vécus toute la nuit diminuaient. Avec mes vagues souvenirs, je crois que nous avions longé la rivière Gauwa en amont. On partait par groupes de familles, on rencontrait et/ou on dépassait d’autres groupes ; nous apprenions chaque fois que, soit devant nous soit derrière nous des massacres se faisaient. La plupart de déplacés se dirigeaient du coté de Ngweshe et Kabare. Je me rappelle du temps passé dans la localité de Nyangulube et Kamisimbi, deux noms qui sont resté gravés dans ma mémoire depuis l’âge de 8 ans. A Kamisimbi, nous devrions avoir passé quelques temps. Maman se rendais je ne sais où, elle ramenait de la viande, de la farine et autres soit disant une ration pour les déplacés de guerre. Nous avons vécu à Kamisimbi avec plusieurs autres familles. A coté de nous se trouvais un lambeau forestier, on l’appellait « Muzirhu » en mashi, qui signifie forêt. Nous y allions soit jouer, soit ramasser du bois mort pour le feu. Les maisons à Kamisimbi étaient des hutes construites à base des Hyparrhenia ssp, l’intérieur était tapissé du « Bukere » Deschapsia flexiosa. A moindre coup de flamme, on récolte du cendre. Sur ce site de Kamisimbi, j’ai connu un petit ami Charles dont le nom est également resté gravé dans ma mémoire suite à une mésaventure partagée avec lui. Nous avions pris l’habitude de nous rendre dans le « Muzirhu » pour jouer à la balançoire sur un tronc d’arbre tombé. Un jour, à mon tour de jouer, je me retrouvais projeté, en déphasage avec le mouvement du tronc d’arbre, je me retrouvai par terre, le tronc d’arbre avait heurté mon bras gauche, j’entendais le bruit de quelque chose qui se cassait en moi. C’était l’os de mon avant bras gauche. J’observai que le bras gauche était devenu plus court que d’habitude. Charles se précipita à tirer mon bras, lui, avais probablement compris avant moi ce qui s’était passé. Il était probablement plus âgé que moi. Aussitôt, le bras avait repris sa longueur normale. Nous nous convînmes de ne rien dire à la maison. Je pensais que tout était terminé car jusque là je ne ressentais aucune douleur. Je n’avais aucune moindre idée sur un os cassé, jamais vu ou entendu parler d’un os cassé. Dès le retour à notre loge je me rendais tout droit au lit et c’est là que les douleurs commencèrent à se manifester et plus tard elles étaient devenues atroces. J’avais un air très douloureux mais les cris se faisaient entendre discrètement. Ceci n’avait pas manqué à attirer l’attention des adultes et particulièrement de ma mère. Ils se fatiguèrent de me demander ce qui se passait car ma physionomie était toute pâle. Notre consigne, moi et Charles, était de ne rien dire, de peur d’être réprimandé. Ma seule réponse était : je dormais et finalement j’ai commencé à ressentir mal au bras. Le bras venait finalement de gonfler. Seule ma marâtre avait pu deviner que je me serais cassé l’os mais, elle ne pouvait pas s’imaginer où et comment les choses se seraient passées. Tous les autres adultes pensaient au « Mugereko », mauvais sort jeté contre moi. J’avais détesté ma marâtre pour avoir dévoilé ce secret que moi et mon ami avions décidé de cacher, pourtant c’est elle qui fera tout pour me soigner de manière indigène. Que son âme repose en paix.

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 11 Juin 2009 à 19:18
    Je viens, à travers cet article, de montrer que, déjà dès l'âge de 4 à  5 ans, nos enfants ont ce qu'ils peuvent mémoriser et qui pourrait affecter toute leur vie. Faisons donc attention à tout ce que nous posons comme acte devant eux. L'enfance, c'est aussi toute sorte de sottise. En avez-vous aussi une à raconter ?
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    2
    rabia
    Vendredi 13 Novembre 2009 à 21:52
    ba thats good 
    3
    mpoyibenoit
    Samedi 21 Novembre 2009 à 11:14
    Bjr doyen, je viens de lire votre blog et ceci me donne la nostalgie de bkv. J'ai grandi a bkv , qtier PAGECO. Je vis actuellement a cotonou-benin. je suis technicien en informatique.Merci d'avoir suscité en moi cette nostalgie de bkv la belle
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